« La Fabrique du P.R.É. »
Parc Rural Expérimental autrement dit
« Le Joli-Village »
J’avais six ou sept ans, je ne sais plus… il y avait un reportage sur l’Afrique à la télé (je me souviens de ça, c’était en noir et blanc) et la voix commentant cette femme à l’écran qui marchait avec une jarre sur la tête, disait qu’elle mettait une heure ou un kilomètre (je ne sais plus non plus mais ça change pas grand-chose) pour aller chercher de l’eau !!! À quelques heures d’avion, en même temps que moi, l’européen qui appuie sur un bouton et qui ai l’électricité, qui tourne un robinet et qui ai l’eau chaude… C’était un choc ! Étayé année après année qui me faisait découvrir et comprendre « la Colonisation », « l’Impérialisme occidental », « les relations Nord-Sud », « la Géopolitique », etc. etc. etc. de quoi me taxer de gauchiste et pire, de tiers-mondiste… Bref, ma conscience d’une injustice certaine, d’un monde qui ne pouvait pas tourner rond !
Là-dessus, mes premiers émois adolescents (l’acné, les poils, la puberté… la conscience…) surgissant lors des derniers soubresauts soixanthuitards (juste avant les punks, ouf ! sauvé !) et la nouvelle vague idoine de « retour à la terre » ne manquèrent pas de m’émouvoir des arts et traditions populaires (ah ce fameux Musée Dauphinois à Grenoble !!!) et plus tard, il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, la découverte du mouvement Luddiste en Angleterre à la naissance de l’Industrie, ces artisans qui comprirent la perte de leur savoir et donc pouvoir au bénéfice des ingénieurs-constructeurs de machines, renvoyant les ouvriers au statut de « chair à canon », puis in fine, toutes ces expériences « alternatives », de la communauté Longo Maï à la ZAD de Notre Dame des Landes en passant par Tarnac ou mes voisins l’Électrolab à Nanterre… qui proposent des formations de « réappropriation des savoirs »… Bref, une économie sociale qui pose la question de notre civilisation contemporaine ultra technologique qui dépasse, noie beaucoup de monde, quand il n’en est pas totalement exclu…
Et c’est là, atterrissant l’Hiver 1992-93 à Nanterre, qu’à ces questions (il y en avait, il y en a, il y en aura bien d’autres) j’allais commencer sinon à y répondre, faire des propositions, en tous cas les mettre sur le tapis, en débat, en mouvements, d’abord en construisant la Ferme du Bonheur, avec mon « théâtre » puisqu’il paraît que je suis un artiste de spectacle vivant, puis comme « femme de ménage en chef » puisqu’en bon communiste pratiquant-non croyant j’ouvrais cette Ferme à d’autres, à tant d’autres, de toutes disciplines, en plus de l’hébergement de « cas sociaux » (là aussi de toutes « disciplines » notamment militants « écolo »…) jusqu’à la découverte fortuite du dossier d’urbanistes lauréats du concours international d’aménagement de la pharaonique Opération d’Intérêt National « Seine-Arche », qui, d’après la mairie de gauche allait « réparer Nanterre, recoudre Nanterre, recréer le lien social, HQE, Iso 14001, BBC, Développement Durable, coulée verte… » ; lisant ce projet, on a eu la grande surprise de lire qu’on allait en être… relocalisé !!! On a vite compris qu’il était surtout question de récupérer l’hectare et demie qu’on partage avec le cirque et « qu’on » verrait bien plus tard où on allait être… relocalisé… Ah… la démacrotie patarticipatative!!! On a rassemblé quelques stars qui nous accompagnent, Gilles Clément le délicat jardinier, Patrick Bouchain l’inénarrable architecte et on a remonté ces « 124-hectares-d’urbanisme-opérationnel-sur-un- périmètre-d’investigation-de-650-hectares », découvert ces nombreuses friches où, l’Humain s’en étant détourné, la Nature avait fait son job et créé des espaces inouïs dont la destruction brutale quelques années plus tard du plus extraordinaire (il restera dans l’Histoire grâce à la photo de Cyril Weiner où on me voit avec mon cheval, qui a fait cette affiche de l’expo « Paysage Français à la BNF !) a provoqué notre « prise d’autorité commune, spontanée, aléatoire, précaire… libre » sur la dernière parcelle pas encore bétonnée de bureaux, quatre hectares et quelques qui allaient devenir ce non moins extraordinaire « Champ de la Garde » !
Enfin, à « relocalisation », nous opposions immédiatement « développement », en échange de la « libération de la parcelle » (comme ils ont finalement eu l’honnêteté de l’appeler) et lorsqu’une élue locale m’a dit « pour ta relocalisation (DÉVELOPPEMENT !!! Oui oui…) tu devrais réfléchir à l’idée d’un parc à thème » je lui ai dit « Wesh ?! Tu m’as pris pour Mickey ? » Or, dans la nuit qui a suivi, j’ai rêvé du P.R.É., du Parc Rural Expérimental ! Et jour après jour, je le nourrissais d’idées, d’images… jusqu’au bouquin que Bouchain m’a demandé d’écrire dans la collection « L’Impensé » qu’il dirigeait chez Actes Sud, dont le dernier chapitre évoque le P.R.É. à l’échelle de l’O.I.N. Seine-Arche ; plus tard, je l’imaginais à l’échelle de l’EPI-Établissement Public Interdépartemental, que les présidents des départements du 9-2 et du 7-8 avaient créé contre la nouvelle blague dite « Grand Paris », un phantasme d’orgueil d’élus mais hyper bandant quant à ce territoire qui s’étend de l’hyper urbain (la Porte Maillot) à la « Province » et ses zones agricoles et forestières… Aujourd’hui, le foin médiatique, public et mondain de notre résistance à la guerre que la mairie nous a faite, et sa résolution, nous fait croire que le modèle de notre Champ de la Garde pourrait être appliqué sur la fin de cette O.I.N…. Incha allallallallallallallalla comme ils disent.
Bref, et pour finir,
ce jeudi 1er mai à 19h
à la Galerie The Window
Roger des Prés
-votre serviteur-
« abat ses cartes » !
Quand on nous a demandé d’écrire cette « Fabrique du P.R.É. », plutôt qu’un dossier verbeux, on a imaginé ce jeu de cartes, que Marina Ruffin, alors étudiante architecte, a dessiné, à l’esthétique inspirée du Tarot de Marseille ; Roger les abat l’une après l’autre, les raconte, les explicite, s’explique…
Sans doute des infos ici ou là.

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